Kathmandu, le 10/05/05

3eme Partie, Mont Kailash
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3eme partie, Paryang-Lac Manasarovar-Le Mt Kailash

Mercredi 27 avril; Paryang- Mayum-La - camp nomades, 136 km.

Ca passe ou ça casse ? 136km, 2 check post, 3 attaques canines dont une effrayante, un vent de face et un sacre col le Mayum-La a 5216m au km 121 a 20h15... Une journée folle !

Tout a commencé quand a 5h00 je fus tiré du lit par plusieurs alarmes... Des gestes précis, je range la tente et lève le camp en 30 minutes ! C'est la pleine lune, tout est clair, je vais pouvoir faire des bornes aujourd'hui !

Me voila sur la piste direction plein ouest, un check post prévu dans 5km. Le voila, je le passe sans encombres, j'enchaîne, passe un pont et là... 1ère attaque de chien ! Un molosse bien décidé à ne pas me laisser passer. Du même coup, il réveille tous ses compères du coin. En vain, je rejoins le pont craignant une meute à mes trousses.

6h15, il fait trop froid pour attendre que le soleil se lève ! Après quelques hésitations, j'y vais ! Il m'attend ; des cris, je tourne en rond, mon vélo faisant office de bouclier, le bâton levé, ça y est je passe ! Je monte sur mon bike et m'éloigne du molosse. Quelques mètres et là... "Ambush in the night, survivor is my name..." Plusieurs aboiements bien distincts à quelques mètres ! Je me retourne et à mon grand effroi et horreur, j'aperçois 4 molosses à 50 mètres lancés à toute allure pour me déchiqueter sous la lueur de la lune ! !

Adrénaline ! M'arrêter et faire face ? Pas possible, ils sont trop nombreux ! Courage fuyons ! ! Je donne tout ce que j'ai, j'atteins les 40 km/h sûr de la mauvaise piste, 100m, 200m je craque doucement, ils sont toujours là ! Encore un coup, j'hésite à ralentir pour reprendre mon souffle en cas de face a face imminent... Oui, de justesse je sors de leurs territoires, ils me laisseront vivre !

Je réalise les scènes d'horreur qui auraient pu se dérouler un beau matin de pleine lune... Ouf je souffle ! Le soleil n'est toujours pas levé, je roule doucement, la piste est déserte. Apres 10km, je me prépare un petit déjeuner sur le bord de route et attend le soleil, il est 7h30.

Quel bonheur ce lever de soleil ! Apaisé, je reprends la route, une sale piste, avec néanmoins de beaux paysages au sud ; sommets, et impressionnant troupeaux de yaks et brebis.12h00 ! Un village tibétain sous forme de tentes uniquement. Une bonne bouillie de tasmpa, achats de quelques réserves et c'est reparti. La piste monte doucement, très bosselée, elle est rectiligne sur 20km et le vent à son habitude est levé.

Il est 14h30, mon compteur affiche déjà 70km. Objectif passé le col Mayum-La, pour demain atteindre le lac manasarovar et avoir une vue sur le Mt Kailash. Dans la douleur j'avance, km 90 un guet avant un pont ? Je suis oblige d'ôter mes chaussures pour passer. 7km plus loin la piste tourne a droite, le vent 3/4 face se tourne à mon avantage pour un petit temps ! Des bâtisses, des militaires, des barrières !

Alarme : un check post, surprise ! Je salue les bidasses dehors, passe devant l'abri des gardiens en passant les barrières, un petit salut de la main comme si de rien était et je poursuis. J'entends des cris, le vent les efface... Roule, roule ! Ne te retourne pas ! En face, arrive une voiture de flic, cool un petit salut il me répond par un petit coup de klaxon. Une piste descendante, le vent de dos, je m'éloigne 1km. 3 chiens m'attendent ! Pied a terre, bâton levé, quelques cris et je poursuis pour me cacher quelques temps derrière un rocher, histoire de voir si les keufs ont lâché l'affaire ou non.

15 minutes s'écoulent, rien ! Tant mieux, allez vamos, le col est à 25km, il est 18h ça devrait passer... La suite : une horreur ! J'avale difficilement une piste indigeste avec un vent de face récurant. Les 4 derniers kilomètres avant le col seront les pires ! Piste rectiligne à fort dénivelé et toujours ce vent de face.

20h 15 j'atteins à bout de force le col. Là, je m'attends à une descente vite faite bien faite avec un bon dénivelé qui me conduirait à un beau village avant la nuit... Rien ! Piste horrible avec, de surcroît, des montées ! Il me faudra encore rouler 16km avant de tomber sur des bergers nomades et leurs deux tentes. Merci ! Du feu, une nuit quand même fraîche, mais un abri !

Marqué par cette longue journée "ça passe ou ça casse", je tombe raide sur ma couche après m'être rempli la panse de chineese noodles.

Demain est un autre jour, il faut que je pense à baisser le rythme!

Jeudi 28 avril; Tentes nomades-lac Kogyu tso-Toqgen  60km

J'émerge dans le froid vers 8h30. Ils sont déjà tous levés et à la tâche. Ils gardent les petites brebis sous la tente près du feu pour qu'elles survivent. Elles poussent des cris comme les nouveaux nés! En plus, celle en question est morte au petit matin après avoir braillé toute la nuit...

Un petit déjeuner léger et vamos, merci ! Sur la route je m'attends à voir des villages dignes de ce nom car ils sont indiqués sur ma carte, ketchi ! 2 baraques, aucune épicerie basique, wahlou... J'avance toujours sur une mauvaise piste qui a bien entamé mes pauvres fesses. Le vent de face, kilomètre 50, une tempête de neige se lève ! Mes espoirs de voir le Mt Kailash s'effacent.

Je roule max puissance, encore une dure journée, kilomètre 60, le petit village que j'attendais, Toqgen ! Tu parles… 3 baraques. Dehors tout est blanc, je m'invite dans une bâtisse ou l'on me gave de "beignets", d'eau chaude et de thé au beurre de yak. Il est 18h00.

La neige me pause quelques troubles pour la suite. I will see tomorrow...
Toqgen s'est transformée en camp de base pour une centaine d'ouvriers. Ils ont des campements sous de grandes tentes, la grande majorité d'entre eux sont tibétains. Ils plantent des poteaux de béton dans le sol pour ouvrir une ligne téléphonique entre Darchen et Paryang, dur job.

La baraque dans laquelle je suis appartient à une famille tibétaine, le père vient de partir, il y a un môme débordant d'énergie et la mama, Adjalla (nom respectueux donné aux femmes tibétaines d'un certain âge) qui me gavera, après les beignets et le thé au beurre de yak de toupa (pattes) avec morceaux de yak. Super accueil !

Dans la soirée, je vois défiler une bonne partie des ouvriers ! La madre, Adjalla qui me gave est un personnage ! Chamaniste, je la vois soigner un de ses proches en pratiquant l'acuponcture avec des aiguilles, elle vend des poudres bizarres et du poisson séché. Elle tient son commerce !

Elle m'a à la bonne, tant mieux, vas-y, gave moi ! ! Le feu, la chaleur, il peut neiger dehors ! Je m'endors le ventre plein.  

Vendredi 29 avril; Toqgen - marécage de Hour ku-Darchen, 64km, "how many rivers do I have to cross..."

8h30, Adjalla est déjà en train de courir partout ! Le feu, l'eau, la cuisine, le rangement, c'est dingue ! Jamais, je l'aurai vu posée à ne rien faire...

Je me lève, tout de suite elle enchaîne les bols de thé puis bouillie de tsampa et les fameuses toupa à la viande de yak. Un régal le matin. Elle me sortira une addition honnête quand même. 40 yuans, ok je la remercie et pars.

Le soleil est là, tout est blanc, la piste est du même coup plus aisée car la neige aplanie cette tôle ondulée. Apres 12km dans un joli décor, le lac Manasarovar apparaît sur ma gauche au sud, devant moi, à 4 km Hor ku et son check post! Le lac Manasarovar, situé près du Mont Kailash, est considéré par les hindous comme étant une émanation de l'esprit de Brahma, le créateur de l'univers. Les tibétains l'appellent Mapam Yumtso, "le lac des forces invincibles des Bouddhas ".

Je décide de contourner Hor ku par la rive du lac. Arrivé au bord du lac après un franchissement de guet muni de mes chaussettes gore tex, je prends mon temps pour des photos et des incantations... Je fais une petite toilette symbolique dans les eaux sacrées du lac. Je repars, la suite s'avérera un vrai combat ! Cherchant à contourner Hor ku, je traverse une rivière, mis cuisse, avec un bon courant. Puis je tombe face à une rivière bien plus large et aux abords très vaseux, du genre tu mets un pied, il s'enfonce jusqu'aux genoux... Je suis oblige de faire demi tour, de retraverser la rivière et de me rapprocher de Hor ku. Seul hic : c'est une partie marécageuse... Je combats durant 2h00 avec mon vélo s'embourbant, doublant son poids, m'enfonçant jusqu'au genou, j'ai bien cru y rester un moment...

A bout de force, je vois une terre plus ferme ! Moments de répit, je suis à 2km de Hor ku, je longe vers l'ouest azimut, un village avant de reprendre la piste principale plus au nord. Ca y est ! Le village, merde : attaque de 2 chiens, cette fois si l'un d'eux est très proche, j'arrive a lui mettre un bon coup de bâton. Ils me harcèleront sur 500m. Jah live ! La piste, je m'arrête sur un pont 20 minutes pour essorer chaussettes, semelles... Hor ku est derrière moi! Ce fut laborieux, mais j'ai passé le dernier check post avec "succès" ! Enfin je l'ai passé...

Je repars, je suis à 40km de Darchen, le point de départ de la kora autour du Mt Kailash. Les nuages le cacheront sur tout mon trajet, demain peut être ? Je subi des attaques violentes de chiens à chaque baraque au bord de route, j'en peux plus !

40km plus tard rien... A si au loin encore 6 long kilomètres et Darchen! Un ticket d'entrée à la chinoise, 50 yuans. Je me restaure, trouve un logement correct et fais la connaissance de Jom, un coréen partageant mon dortoir. Demain nous partons pour le "pèlerinage" autour du Mt Kailash, deux jours, 52 km, j'ai pour mission d'accrocher les drapeaux à prières au pass. Mon sac bien chargé par ce symbole, je suis prêt.

Samedi 30 avril; 20 km de kora avant de passer l'après-midi au pied de la face nord du Mt Kailash hypnotise.

Après, un déjeuner copieux avec Jom, nous partons ! Un peu plus loin, je poursuis seul, je le recroiserai plus tard. Cette marche sur les petits sentiers de la kora est une régal !

La Kora ( Pèlerinage ). Pour le pratiquant bouddhiste, se rendre au pied de la montagne sainte du Kailash permet de rentrer en contact direct avec la déité qu'il invoque tout en arpentant les sentiers du paradis terrestre. L'hindouiste espère accéder directement au nirvana en faisant le difficile pèlerinage de la montagne - demeure de Shiva. Mourir au pied du Kailash est aussi purificateur que d'être incinéré à Bénarès, la plus sainte des villes de l'Inde.

Le Kailash est vénéré par quatre religions représentants plus d'un milliard de fidèles. Les Hindous considèrent que la montagne est la demeure de Shiva, le dieu suprême (Mahadeva). Les Bouddhistes considèrent Kang Rinpoche (Kailash) comme la demeure de Demchog ( le Bouddha de la compassion dont le Dalaï Lama est la réincarnation ). Les Jaïns, religion de l'inde comparable au bouddhisme, nomment la montagne, Ashtapada, et considèrent que leur fondateur Rishabanatha a reçu l'illumination à son sommet. Les Bön-po vénèrent la montagne comme étant l'âme de la région, la montagne de la Swastika. Kailash ("Brillant comme du Cristal"). Kang Rinpoche  ("Précieux Joyau des Neiges Glacées").  J'enchaîne la face sud, avec à son pied le fameux 'flagpole', un grand poteau orné de milliers de drapeaux à prières. Il est remplacé chaque année lors du festival de Saga Dawa. Les croyances disent que si le poteau est droit lors de sa mise en place c'est bon signe, sinon...

Un chorten, un monastère, la face ouest, c'est bon d'être la! Vers 15h, j'arrive après 20km en face du monastère Dira Puk, ok j'arrête de courir, plus haut il doit y avoir une superbe vue ou je pourrai planter la tente. Une bonne côte ah oui ! Super, je plante la tente face à cette face nord hypnotisant ! Je passe le reste du temps à scruter cette face entre deux siestes et une méditation...

Je prends le temps de savourer ce pourquoi j'ai fais toutes ces bornes, ce pourquoi j'ai consacré tellement de temps, d'énergie, de projets, j'y suis juste a son pied ! ! Bonheur !

Je passe la nuit à 5180m, c'est ok je suis acclimaté depuis un moment, merci Man, merci Pa pour le métabolisme que vous m'avez légué !

Dimanche 1er mai : Bon anniversaire Mattes, suite kora, 32km à pied ça use...

La nuit se passe, elle sera fraîche et la condensation de mon souffle froid et mouillé. Lever 8h00, je remballe le tout et descend plus bas trouver du feu et de l'eau chaude pour un petit déjeuner. Au lieu d'une guest house, je trouve une tente. Tous les groupes sont déjà partis, je trouve un moine et un gars. Deux tibétains partis à 4h00 de Darchen viennent me rejoindre. En général les tibétains réalisent la kora sur un jour dans le sens des aiguilles d'une montre, les indiens eux la réalisent en 3 jours dans le sens inverse.

A 9h30 je pars, accompagné des deux pèlerins, objectif le col a 5630m le Dromla-La ! Ils sont rapides, légers, j'aime ça, a donf ! Nous rattrapons tous les groupes, et avalons la dernière gosse montée dans la neige.

Le col ! Le moment des drapeaux à prière solennel ! Je les accroche solidement, ma mission est accomplie ! Je récite toutes les prières. Pas le temps de verser une larme, les deux pèlerins me tire par le bras, la descente ! Le Kailash s'efface, il doit rester 25km, le décors devient plus banale juste marcher, marcher…

17h00 l'arrivée, j'ai change de pèlerins, deux tibétaines m'accompagnent sur les deux derniers kilomètres. J'évite un ticket office qui te fais repayer 50 yuans à la fin de la kora, et entre dans Darchen.

Je prévois de faire du stop demain pour la route en sens inverse jusqu'a Saga. C'est avec des images du Kailash plein la tête que je m'endors.